Tourisme Italie Patrimoine

La dotta, la rossa, la grassa, Bologna la mia amata

Bologne est une ville d’Europe qui m’est très chère aux yeux. Je la vois comme un immense atelier d’art, comme un musée à ciel ouvert, comme une mosaïque de couleurs qui fait juste du bien au cœur. 

ANNÉE : 2020
LIEU : BOLOGNE
THÉMATIQUE : PATRIMOINE

J’ai découvert Bologne lorsque j’avais douze ans. Je découvre encore Bologne à l’âge de trente-huit ans. D’un voyage scolaire du plus grand enseignement, j’aime à la retrouver régulièrement. Bologne sonne pour moi comme un refuge, comme un sas de décompression, comme une invitation à refaire le voyage éternellement. Pétri d’aventures multiples, d’épisodes de vie symboliques, elle nourrit ma matière créative et je la chéris pour ceci. Nous sommes au carrefour de l’année 2018 dix-neuf, je décide de m’installer six mois en Italie. À mon retour à Nantes, je ressens le besoin pressant d’ancrer les images que je viens de collecter d’imaginaire et de réalité au cours de ce stage humain tant aimé. Nous sommes au mois d’octobre. 

les grandes lignes du projet

Le mois d’octobre est bien connu des illustrateurs.rices. En effet, chaque année, un challenge est lancé autour d’une liste de mots à dessiner au gré du quotidien ; un quotidien bien trop souvent rythmé par les projets et commandes qui ne laissent guère le temps à l’expérimentation « pour soi ». Ce temps court-circuité par les impondérables est pourtant si précieux voir essentiel pour pouvoir réinventer la matière, sa matière créative. J’ai donc pris le prétexte du défi ou plutôt de l’objectif sous-jacent au défi pour réaliser à ma façon une collection qui sans le savoir allait plus tard devenir une collection de cartes postales. On parle souvent de lâcher prise mais le lâcher crayon, ça a du bon ! Pour l’heure et à ce jour, vous pouvez donc retrouver quelques unes de ces cartoline en exclusivité en vente au sein de la boutique Fitzroy : boutique chic, déco et colorée que tient Chiara, via San Vitale, juste derrière les deux torre. En attendant de franchir le pas de sa porte ou des neuf des douze portes des anciens remparts de la ville, je vous emmène moi visiter la mia Bologna au cours d’une balade audio guidée colorée personnalisée : 

Avant de vous parler de moi, parlons plutôt d’elle. Enfin sur le tard, disons plutôt de  nous. En effet, embrasser une Ville d’un regard, la traverser quelques jours, la vivre pour quelques mois ou encore la ressentir en années, ça donne l’effet suivant : j’ai grandi avec elle, elle connait tout de moi et je la connais pour ce qu’elle me montre d’elle et avec celles et ceux que j’aime retrouver là-bas. Bologna la Dotta, Bologna la Grassa, Bologna la Rossa, Bologna nous voilà ! 

les essentiels à Bologne

Quadrilatère touristique ou hexagone idéaliste, difficile de définir une liste d’essentiels à découvrir pour cette ville hétéroclite et pleine de surprises culturelles. De prime abord, et à chaque fois que je mets un pied sur le pavimento del centro de Bologne, il m’est impératif de vérifier que les tours d’Asinelli et Garisenda se dressent au bout, à gauche de la Via dell’Indipendenza après avoir quitté la gare (stazione) au fond là-bas. Ensuite, je dois absolument aller me placer au milieu, au carrefour de la Piazza Maggiore, meilleur point of view pour un instant 360° tour (en vrai les tours c’est un peu la caractéristique de la Ville mais c’est pour le moment pas le propos) histoire de se plonger dans la période médiévale de Bononia, époque phare quant à la construction de l’identité de Bologne ; ah et puis c’est une période de l’histoire qui comme vous l’aurez peut-être saisi m’inspire également passionnément. Pour digression, sur la place ou plutôt sous la place, le Cinema Modernissimo a retrouvé ses quartiers tandis que le cinema Ritrovato, lorsque l’été éclot, vient se parer lui de son écran blanc rideau sur le parvis ou le Crescentone de quoi se laisser aller à rêver à plein de nouveaux scénarios (j’entends la vie, ce scénario le plus beau).  Présentement le scénario était : d’aller à l’essentiel. 

et sinon le quartier Saragozza, c’est le quartier dans lequel j’ai habité, quartier qui a malheureusement connu des inondations en novembre dernier (2024) mais de ce quartier j’allais tout droit Via Andrea Costa direction l’ascension des arcades de la basilique San LucaSan Luca fait partie de mes rituels annuels, disons que c’est mon pêché mignon : aller saluer la Madonne qui culmine en haut, en tête de file des 666 arcades/portiques d’un serpent de pierre aux couleurs terra cotta saumon ocre, palette organique qui réchauffe les yeux lorsque le corps mécanique s’échauffe et rougeoie dans l’élévation (prévoyez les baskets et le legging de compèt’, ça monte et ça déroule ; et ça défoule). Ah oui, pour mention, juste avant, j’évoquais le « en haut » mais plus en bas, il y a le cimetière de la Certosa que j’ai découvert avec stupéfaction l’année dernière en 2023 (comble d’avoir habité juste à côté sans avoir su vraiment l’apprécier). C’est un réel bijou de pace (paix) pour se reposer et pour se donner beaucoup d’amour. Je l’ai vécu comme ça du moins. Assez irréel en chemin, les sculptures et le dédale d’avenues nous plonge dans l’infini d’un temps où l’on disparait du présent. Oui. Et comme vous l’aurez imaginé, ce lieu ne fait donc pas partie de ma collection d’instants illustrés puisqu’à l’époque je n’avais pas connaissance de l’existence d’un tel endroit ! Toutefois,  j’en ai posté le ravissement dans un post Instagram

Via Castiglione, la gelateria là-bas y est exquise comme le pain et les tartes de chez Forno Brisa, mamma mia. La Via dei Poeti, non loin, me fait de l’oeil à chaque fois surtout lorsque je pose le regard sur les affiches que dessine le collectif Cheap et qui donne tant à penser, revendiquer. J’aime bien aussi la via San Felice ou le quartier de San Mamolo car ses bijoux et vêtements me donnent la felicità rien qu’en les contemplant depuis les vitrines d’époque. Question bijou, mi piace tanto ceux que fabriquent Made in camper, via Rialto. Et pour terminer sur le volet bellezza, niveau friperie, j’ai découvert ce monde ici bien avant qu’il débarque à Nantes ou ailleurs en région. À Bologne, il y a une forme d’esthétisme qui m’a toujours séduit. Esthète aussi, elle l’est, la plus ancienne université du monde occidental y est implantée. Que serait Bologne sans son noyau central, sans son Universitas Scolarium où fourmillent les étudiants du monde entier ? Le droit romain y était légion au 11è siècle mais aujourd’hui on enseigne aussi à rêver et à réaliser savamment, Accademia Belle Arti (1711) Salaborsa, le Palais de l’Archiginnasio, des bibliothèques au plafond haut, aux riches décorations, aux riches collections ; s’y instruire est comme l’eau que l’on boit depuis la statue de Neptune sur la place juste en face. L’âme est créative et artistique à Bologne. On vit beaucoup de musique, de jeunesse et d’arts, Piazza Verdi, quartier du Pratello, via Zamboni, Pinacoteca. Le plus grand salon du livre jeunesse d’Europe se trouve à Bologne et chaque année nous livre les plus belles histoires à raconter, à se raconter, à vivre ensemble. Le vivre ensemble, c’est d’ailleurs un sentiment assez fort et partagé à Bologne. Je fais des bonds mais Bologne est une ville qui est encore à peu près taille humaine même si je n’aime pas trop ce terme : on aime l’humain oui c’est vrai, ici règne un certain bien-être social et culturel. Arrêtez vous aux Serre des Jardins Margherita ou encore au MAMbo pour en attester (pour l’exemple), apprenez des découvertes de Guglielmo Marconi ou encore de Laura Bassi

Bon je n’ai pas du tout terminé la liste des essentiels qui devient monologue des sens mais qui en fait une essence à diffuser au gré des lignes et envolées. Vlog alors ! Je vous laisse avec ça. 

 

la basilique San Luca,  Santuario della Madonna di San Luca en italien

les essentiels à Bologne (bis repetita)

Ah mais non je n’ai pas terminé, je souhaitais vous parler des étrusques là maintenant tout de suite ! Peuple illustre que j’aime illustrer,  qui au VIe siècle s’installa dans la plaine du Pô, en terre fertile appelée Felsina. D’ailleurs, on y retrouve des vestiges au musée Mnema, là-haut dans l’Appenino, à Marzabotto tout près du hameau dans lequel j’ai été bercé d’amour et de culture auprès d’une famille de coeur qui m’a fait grandir dans le respect et dans un environnement qui compte tant. La phrase était longue mais il y a tant de choses qui comptent ici pour moi. Comme l’histoire ou la tragédie qui s’est déroulée sur l’autre versant de là ils sont implantés, plus précisément au parc régional de Monte Sole. Ce parc est bouleversant d’histoire et résiste dans le temps face à l’adversité ou face aux atrocités du passé à ne pas oublier. 
Je suis complètement sortie du cadre des mes illustrations. 
Redescendons dans le centre ville de Bologna pour contourner la Turrita (Turrita c’est le petit nom qui au 13ème siècle fut donné à Bologne du fait de la myriade de tours de défense (ou de richesses) qui la protégeait (90 tours furent à priori recensées et moi ce nombre me fait penser à un disque, à un titre qui tourne là dans mon esprit Caruso di Lucio Dalla sans oublier pour autant : Francesco di Gregori, Ornella Vanoni, Guccini, Battisti, Batiatto et Mina, elles eux aussi, mes favoris). Je digresse, je digresse, mais dans le mot contourner écrit plus haut, il y a contourni, le tournis oui, contorni plutôt le vrai mot, ça part désormais en accompagnement à déguster tendrement. Vous savez quoi ? Je n’ai jamais trouvé la mia osteria, la mia trattoria ! Possiblement j’ai plus souvent opté ou connu les plats fatti a casa. Cependant, si vous appréciez il cibo, comme les antipasti, les primi piatti, les secondi piatti, sachez que dans le Quadrilatero o Mercato di Mezzo, Mercato delle Erbe, Mercato Ritrovato vous pourrez y trouver la matière pour les plus affamés d’entre vous 🙂 Vous pourrez vous substanter de Parmigiano Reggiano (DOC), de mortadelle au goût de pistache, de tagliatelle al ragù ou encore de tortellini, des tortelloni (avec ricotta ou courge à l’intérieur), Lambrusco, l’aceto balsamico de Modène oui je vous ai fait là toute la liste des plats tradition. Nonobstant, moi j’adore les recettes végétariennes de mon amie Martina, les lasagnes aux orties della sua nonna, les apero entre amici à base d’olives, de carcioffi, de patatine limone zenzero, de birrete, il y a aussi bien évidemment les Lenticchie a capodanno histoire de devenir plus riche, les pâtisseries de Noël, la Tenerina et puis il y a les maki oui je change du tout au tout mais c’est une tradition que l’on a gardée avec Martina depuis que nous nous sommes retrouvées à l’âge adulte alors qu’elle étudiait à l’époque en Erasmus sur Paris. J’ai tout dit ?  Hélas, je n’ai pas tout dit car c’est un pari fou de vouloir tout raconter mais je ne me lasse pas de partager avec vous ce qui fait un peu partie de moi. Et puis, chi lo sa, un jour peut-être, un jour je conterai tout ça sur un autre registre qui permet tout autant de déguster ? Aventure à suivre, à inventer, à concrétiser.  

“Bologne est au Moyen-Âge ce que Pompéi est à l’Antiquité.” 

Lady Morgan, Voyage en Italie, 1819

FLUTISTE

le détail illustré

Pour anecdote et précision, lorsque j’ai décidé de publier l’ensemble de ma collection de vues italiennes sur mon compte Instagram (initialement oui je l’avais envisagé comme son lieu de destination) j’ai donc saisi l’occasion pour légender chacune des vignettes selon les mots qui me venaient à la seconde lecture de ce que je venais de composer. Les textes en question sont à retrouver en bas de page, rédigés sur le fil de l’instant et des émotions, je les ai mis récemment en voix pour vous guider jusqu’en Emilia Romagna.

le avant-après,

De l’esquisse à main levée au résultat final version « cartoline colorate »

Visite
audioguidée
illustrée

écrits spontanés rédigés en 2019 à l’occasion de la sortie de ma collection « Boloctober » et de ma réalité augmentée à moi.

FLUTISTE

TERRAZZO

« Parfois, on ne sait pas toujours sur quel pied danser. Comment avancer, par où aller. Quelle direction prendre, quelle destination choisir pour prétendre à mieux se comprendre. La vie, ce voyage, ce “terrazzo”. Il était temps pour moi de partir, de lever le pied, un temps donné. Lever de rideau sur des envies en latence, en écho. En février dernier, j’ai donc posé le pied en terre italienne, à Bologne, ville située au nord de l’Italie, à mi-chemin entre Venise et Florence. Bologne, je l’ai découverte en CM2 lors d’un voyage scolaire, j’avais alors 11 ans, et en ce mois d’octobre ça va donc faire 22 ans que j’y retourne, inlassablement. La vivre au quotidien était néanmoins un tout autre défi. 6 mois, c’est long, et c’est court aussi. Tableaux variés d’une expérience haute en couleurs. Pêle-mêle de ressentis, de vues de l’esprit, d’images mentales pour ce Bologne qui m’a paru vital. Le chemin est long mais tellement enrichissant quand il s’aligne avec le coeur. “Chi va piano, va sano e va lontano” comme ils disent ici. Moi je dis tant qu’on s’y retrouve dans son puzzle intérieur. Puzzle instagram pour l’heure, entre notes de vie et notes d’histoire, tout un programme mais c’est à voir ! Fragments du sensible, ciment d’une histoire, de mon histoire, ma créativité. Pour l’heure, me voilà à glisser sur ce tapis confettis, sur ces sols en “terrazzo”, connus depuis l’Antiquité. Analogie pour qui en a envie. Tout est lié, se relie. Et tel un petit poucet, je relirai ici d’un mot ou d’un trait ce qui est venu nourrir ce voyage bolonais. »

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Terrazzo (2019, oct), giro di Bologna

B_come BOLOGNA

« Bologna la Dotta”, “Bologna La Rossa”, “Bologna La Grassa”. Connue pour être une ville touristique de passage, elle est aujourd’hui devenue et ce depuis quelques années une vraie destination de voyage. Ville d’art et d’histoire, elle est “art de vivre” par excellence, ou “dolce vita” vous avez le choix. Savante (dotta), elle est dotée d’une des plus vieilles universités du monde occidental (1088), on y “réfléchit” le monde là-bas (du verbe riflettere en italien). En même temps, Bologne a traversé les époques ; de ville étrusque, à ville celte, romaine, ostrogothe, byzantine, lombarde, elle rejoint les Etats pontificaux jusqu’au 18ème siècle et vote ensuite son annexion au Royaume d’Italie intégrant ainsi le Risorgimento. Bologne est en soi un véritable musée à ciel ouvert ; à chaque rue, un détail de culture, un élément d’histoire, ou une scène de vie à observer. Ravissement – c’est le mot. Bologne ou le culte du Beau, bon ça c’est mon jeu de mot. Esthète, esthétisme, Stendhal en aurait eu des vertiges ! La ville se parcourt à pied, à vélo, des collines au sud, royaume des villas bourgeoises aux quartiers ouvriers plus au nord. Depuis les hauteurs de la ville, se dessine à l’horizon sensible, un rouge spécial “tramonto”. Du ciel d’oranges aux roses chatoyants, que dire de ces rouges tuiles maison en terre cuite et en brique. “Bologna la Rossa” porte bien son nom. Un brin contestataire, progressiste, elle est souvent associée à la sensibilité politique qui anime son coeur de ville. Bologne reste une des places fortes de la gauche en Italie. Libre expression. Libres impressions. Ma première impression, elle, a eu lieu à table. “Bologna la grassa”, moins élégant mais tout aussi alléchant. Bologne fait partie des meilleures cantines d’Italie. J’y consacrerai d’ailleurs un post bien nourri histoire de vous mettre en appétit !

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B comme Bologna (2019, oct), giro di Bologna

PIAZZA MAGGIORE

« C’est un peu “the place to be” ici. Souvent décrite comme faisant partie des “incontournables” à Bologne, on peut pourtant y faire le tour, d’un regard, balayant ainsi 360°degrés d’architecture du passé. C’est assez déroutant et majestueux de pouvoir contempler les contours d’une ville comme au 15ème siècle, époque à laquelle la construction de la place fut achevée. Tour à tour (non je ne parle pas encore des 2 tours qui font la renommée de la Ville) de cette dentelle d’édifices, nous retrouvons au sud le plus ancien de tous, à savoir “le Palazzo del Podestà” surmonté de la “Torre dell’ Arengo”. À côté, se situe le “Palazzo Re Enzo” et plus à l’ouest de la place, le “Palazzo d’Accursio” ou plus simplement, la mairie de la Ville. D’ailleurs, Charles Quint s’y est fait couronner, bon c’était l’anecdote, histoire de rester informé. Si on continue notre “girotour”, ce même bâtiment donne sur la “Piazza del Nettuno”. Et dans cette place, il y a une fontaine. Et dans cette fontaine, il y a une sculpture réalisée au 16ème siècle par Giambologna dit aussi Jean Bologne, oui c’est un français !! Quoi on a pas le droit d’en être fier ? Poursuivons. À l’est de la place, se situe “le Palazzo dei Branchi” qui se branche au “Palazzo dell’Archiginnasio”, mon autre best’ mais surtout l’une des plus belles et riches bibliothèques européennes. Cependant, je dois bien vous avouer que mon coin fav’ reste les escaliers de la majestueuse “Basilique San Petronio”. Je ne sais combien d’heures j’y suis restée, là, plantée immobile, la grandeur dans le dos, je parle évidemment de cette façade gothique inachevée, couleurs brun brique rosée. À cet instant précis, je perdais alors toute notion du temps, absorbée par la comédie humaine défilant sous mes yeux. Timelapse improvisé dans ce décor moyenâgeux. Poètes, musiciens et troubadours inopinés déambulant tour à tour sur cette grande place, grande majesté. Cette place est d’ailleurs aussi le théâtre l’été d’un des plus grands festivals de cinéma plein air. Clap, ‘Il cinema ritrovato’ ou comment se replonger quelques heures dans des films du passé. Présentement, la “Torre dell’Orologio” me sonne l’heure de rentrer. »

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Piazza Maggiore (2019, oct.), giro di Bologna

AL RAGÙ

« Buon appetito ! Mot magique à recette unique, celle du bien manger, de la convivialité. Au menu du jour, Bologne et sa réputation internationale, oui on parle ici “arts de la table”. Osteria, trattoria, ristorante, faites votre choix. Pizzeria ? Come vuoi. Tout est bon, dans le cochon. Mortadella, prosciutto di Parma, le Zampone (plat de réveillon : pied de porc & lentilles), les tables ne désemplissent pas. Par contre, si vous aviez en tête de manger ce soir des spaghetti bolognaises, vous vous trompez d’assiette. Ici, on ne mélange pas les torchons et les serviettes. Bologne est connue pour ses pâtes fraîches aux œufs frais (tagliatelles, tortellinis (ces petits nombrils de Vénus), ça vous parle ?). Les spaghettis secs, eux, par opposition, sont faits de blé et viennent majoritairement de Naples. Quoi, on m’aurait trompé sur la marchandise ? Que cela vous rassure, vous en aurez pour votre faim et mieux, à table, vous pourrez désormais jouer les malins. À ce propos, les vraies “tagliatelle al ragù” ont une largeur de 7mm à l’état cru, 8mm à l’état cuit. Ce qui fait que le ragù ne peut pas glisser et ça c’est un secret d’histoire qui vous est révélé ! Tant que nous y sommes, voici le secret de fabrication du ragù, comme ça vous saurez tout. Composition : hampe de bœuf, pancetta, céleri, carottes, oignons, un peu de tomate, du vin et du lait. Oubliez l’ail, le basilic ou le persil à ce qu’il parait ce sont les étrangers, ou ces anglais du passé qui aimaient à le légender. Enfin, pour les gourmands, les curieux, les bons vivants, si vous souhaitez ravir vos palais et étayer vos futurs mets, laissez-vous tenter par une dégustation de « parmigiano reggiano« , appelé aussi parmesan ; la zone de production se trouvant à l’ouest de Bologne. Sinon une idée, optez pour le vinaigre balsamique de Modène (à 43,5 km de Bologne), vous m’en direz des nouvelles. Enfin, une autre suggestion, se laisser enivrer de notes de Lambrusco, vin rouge pétillant venant tout droit de Modène. Bref, comme je l’avais lu dans un restaurant “cucinare bene è il miglior modo per dire…ti voglio bene”. Oui bon, j’avais trouvé ça mignon. »

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Al ragù (2019, oct), giro di Bologna

PORTICI

« Et l’histoire se poursuit. Au coeur des portici. Autant d’heures que de kilomètres parcourus, que de temps de réflexion, de moments de contemplation, j’y ai vécu. Bologne recèle de trésors authentiques mais ce joyau historique reste l’une de mes pépites favorites. Les arcades donnent à la ville ce caractère unique au monde, ce serpent de pierres de 42 km de long traverse autant la vieille ville que la couronne extérieure. Il y a même un passage de 4 km qui mène à la “Basilique San Luca”, autre trésor qui m’est encore plus cher. 666 arches pour y accéder ! Juste ce qu’il faut pour s’élever ! 🙂 Les portiques croisent différents mondes, sphère publique comme sphère privée. Lieu de passage, ils abritent tout autant des terrasses de café, des restaurants que des boutiques de pleins pied. Et le must dans tout ça, et j’avoue avoir béni plus d’une fois l’auteur de ce génie urbain, est de pouvoir naviguer au coeur de ville sans être perturbé par la pluie de déluge, ou un soleil brûlant d’été. Il faut savoir que les portiques sont aussi symbole de l’hospitalité bien connue des bolonais. Les pèlerins jadis y dormaient gratuitement. Aujourd’hui, d’autres y séjournent la nuit temporairement, cela fait polémique, dans le sens où ça peut être un brin problématique quand on vise le classement au patrimoine mondial de l’humanité. »

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Portici (2019, oct), giro di Bologna_

MI PIACE

“Ciao, come stai ? Tutto bene ? Tutt apposto ? Sicuro ?” On s’assure ici que tout va bien. “Mi piace”, ça sonne juste, ça sonne haut, on est à Bologne, et l’accent résonne, c’est beau. Chante ici la langue de “Dante”. Tout bas mon esprit Danse sur cette musicalité. Je n’ai pas pris de cours, j’ai appris en cours. Mimétisme, à l’écoute, observations, linguicisme. Je ne le parle pas bien, l’italien. Je le chante, en français et ça fait parfois des trucs abstraits. Phonétiquement, pourtant tout se sait. On préfère dire les choses ici plutôt que de rester muets comme nous en français. À chacun sa littérature, sa construction. En Italie, c’est le dialecte toscan qui est prédominant. Florence, réputée pour sa beauté architecturale et son histoire prospère s’est imposée dans le vocable. Cela donnait un certain prestige et ce n’est pas par pour rien que l’italien fut pendant un temps la langue internationale de la culture et des arts ; écouter voir le vocabulaire de la musique : “pianissimo” “andantino”, “rallentando”… j’en ai des tremolo. Mais à chacun son rythme, son tempo. Moi j’ai pris le temps progressivement d’entrer en discussion. C’est fou comment apprendre une langue redonne le sens de l’humilité, te reconditionne toi et tes formes de pensée. La langue, cette charge parfois mentale, éducative, sociale comme tampon-relais qui te permet de communiquer, te sentir écouter, voir d’exister. Se redéfinir sous une autre langue, ça laisse place à plus de gestuelle, de corporalité, d’expressivité. “A me piace”. Tanto. Choisir ce que l’on veut entendre et oublier parfois ces mauvaises langues. Alterner les niveaux de lecture, de compréhension. C’est tout un vaste jeu, molto stimulant. J’aime tant par exemple quand ils disent “semaforo” pour signifier le feu rouge. C’est élégant. Bref, se désengager conversationnellement parlant permet l’exploration du non-verbal, de l’ineffable. On se surprend, on surprend aussi des conversations dans laquelle t’as beau essayer d’en capter la structure, rien ne vient, en vain. C’est amusant. Le dialecte bolonais sonne beaucoup comme le français pourtant ! Et puis se créer un petit répertoire de mots qui à les lire te refont sourire : “scivolare, incubo, sviluppare, limonare, volpi, figo, quindi, nel senso, communque, ci sentiamo, eccolo!”, à les relire ou les redire, je revois les bouches qui les ont formulé, je revois les yeux de ceux qui les ont pensés. Je relis de ça et là ce voyage from “l’Europe Babel”, cette chanson qui sonne comme un pied d’appel à cet échange linguistique que je continue de construire et qui continue de me nourrir.« Que tes langues, que tes langues toujours, Que tes langues chantent des mots d’amour”. (Europe Babel, Serge Lama, 1992, chanson apprise en CM2 au cours de mon premier voyage scolaire à Bologne) »

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Mi piace (2019, oct), giro di Bologna_

DUE TORRI

« Pas besoin de jumelles, vous les voyez de loin. Dans le ciel, elles culminent et forment un joli point de repère, mine de rien. Les tours jumelles font la renommée de la ville, toutes les deux penchées, elles se situent pile à la croisée des rues menant aux cinq portes des anciennes murailles (« mur des Torresotti » XVIIe). Carte postale illustrée. Le tram passait juste devant, traces du passé. Le passé en héritage, aux 12-13ème siècle, c’est un vaste plan vertical qui s’érige et toute une famille de tours qui prend possession de la ville. On ne connaît pas vraiment la raison de leur construction, on sait juste qu’elles occupaient une fonction défensive et que leur hauteur permettait d’afficher la puissance d’une famille. “La famille, sí sí, t’as vu” ! Asinelli (la plus grande), et Garisenda (la plus petite) sont les noms des deux familles qui ont eu le privilège de rester à peu près debouts. Tour d’horizon de la ville, on en recensait à priori 100 au Moyen-Âge, on en dénombre plus que 20 aujourd’hui. À l’intérieur, on y faisait un peu de tout. De bases carrées, quelques constructions de maisons occupaient le m2, la tour Asinelli, elle en l’occurrence (97,20 m de haut quand même et 498 marches pour atteindre le sommet – oui bon courage) servait initialement de prison. Mais ce fut aussi un lieu d’expérimentation scientifique, et un poste d’observation pendant l’ultima guerre. Aujourd’hui, du haut de votre campanile, vous aurez juste l’impression d’ouvrir les portes du ciel et de vous relier ou de vous réaxer au monde. Prendre de la hauteur n’a jamais fait de mal et voir grand fait tout autant de bien. »

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Due Torre (2019, oct), giro di Bologna

BICI

« Veni, vidi, bici, je suis venue, j’ai vu, j’ai vécu du pays ; à pied, en train, con la macchina ou encore en bici, le vélo comme mode de transport favori. Munie de ma petite “graziella”, légèrement rouillée, roulant avec un pédalier semi contrarié, j’avançais à toute allure sur ma selle bien ouatée. En “mobike”aussi, à contre sens, entre les murs, le centre est un vrai labyrinthe pour ceux qui s’y aventurent. Sous les portiques, full mosaïque, loin des voitures, du périphérique, les bus prennent un peu de place, les piétons eux font pas vraiment gaffe mais j’arrive quand même à trouver mon espace. Dans la nuit, au jour le jour, en roue libre, libre expression, j’en fais des tours et des détours. J’erre, j’hume, je mets pied à terre quand ça m’enchante, quand certains chantent, loin du tumulte, ou sur la Grande place, j’aime tôt ou tard y perdre ma trace. J’observe, rue du Pratello, j’écoute Via dell’Inferno, de Via Oberdan jusqu’à l’ancien ghetto juif où j’attache mon vélo. Je chemine guettant les intérieurs éclairés, je scrute le détail trompeur pensant m’éclairer, je chante à tue-tête sous la lune lorsque j’arrive au quartier. Je respire la brise sur mon cavallo, je m’enivre de mon ombre sur les murs du parco Talón. Vélorution. Je trace la route, des cycles de vie en soute, j’avance face au vent, face aux aventures de l’instant. »

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Bici (2019, oct), giro di Bologna

TERRA COTTA

« Passion terracotta comme un cocktail vitaminé dont on ne peut se passer. À toute heure, à toute saison, par toute humeur, par tous les temps ; humer l’air extérieur, se ruer de lenteur dans ces dédales de pierres, de ruelles aux couleurs ocre-terre. Un chemin sensoriel, un chemin intérieur. Rafraîchissement quotidien. Qu’il est doux de goûter à ces parfums d’agrumes, ces saveurs soleil, ces teintes corail, rose, citron, safran, pêche, vermeil. Passion bologna pour cette palette murale, éventail de tons chauds qui rayonnent en tout point. Jaune, ocre, brique, pourpre, les murs de Bologne réfléchissent la chaleur, s’infiltrant jusqu’à en faire chavirer les coeurs. Au gris de l’esprit, le pastel adoucit, redorant parfois notre moi, notre surmoi. Complémentaires, du orange au ciel pur azur, la matière grise aime à se colorer, histoire de se réénergiser. Dynamique des façades, face aux murs, la couleur ouvre des ponts dans nos têtes un peu dures. On enjambe dès lors harmonieusement ces nuances, camaïeux poudrés d’or donnent un air joyeux qui fait résonance. Couleurs fauves au tableau urbain, ce matin, le feu soleil tapissait les murs de la Belle. Bologne ou son lion comme blason de la ville métropolitaine. Solaire en symbole, donne-nous la force, le courage pour s’envoler ou nous affirmer dans cette folle traversée. »

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Terracotta (2019, oct), giro di Bologna_

SAN LUCA

« On dit de certains lieux qu’ils sont chargés d’histoire, ou d’émotion. Pour la petite histoire, depuis vingt ans, ce lieu me recharge lui en émotions. Intuition, sensations, combinaison. Tel un exutoire, son ascension m’aide à entrevoir ce qui m’anime dans le fond. Tel un rituel, j’aime m’y élever jusqu’à son sommet et y refaire mon monde jusqu’à ce que celui-ci me satisfait. Me satisfasse oui okay. Entrelacé de 666 arches sur 3796 m à traverser, ce serpent architectural vous conduira de marches en marches jusqu’au potential nirvana. Benvenuta au sanctuaire de la Basilique San Luca, édifice perché en haut du Monte Guardia et situé à 300 mètres au sud-ouest du centre de Bologna. Érigé au cours du 18ème siècle, on doit son dôme et sa forme en croix grecque à l’architecte Carlo Francesco Dotti. Une féerie orientale dans un paysage d’Épinal. Pour la petite histoire, “San Luca” a été bâti dans le but d’abriter une icône byzantine représentant la Vierge Marie avec l’enfant Jésus. Pour la grande histoire, depuis le 15ème siècle, et au 15 août. – pour rappel le 15 août c’est le jour de l’Assomption de Marie, jour où celle-ci serait montée au ciel sans avoir connu la corruption de la mort, oui rien que ça ; et d’après mes lectures, elle aurait même été la première créature humaine à être entrée avec son corps et son âme dans la gloire de Dieu, préfigurant ainsi notre destinée – Introspection, ma religion. Continuons. Donc je disais que depuis le 15ème siècle et vers la mi-août, l’icône de la Vierge noire fait un pèlerinage de la basilique San Luca à la cathédrale San Pietro située elle, dans le centre ville. Tout au long de la procession, et pour protéger son transfert ainsi que la population, on a préféré construire un chemin couvert, ou disons une arcade monumentale prenant racine à la porte Saragossa (construite au 13ème siècle). Arcade fire, il y a du génie à Bologna. Et moi j’en ai fais des souhaits là-haut lorsque je contemplais cette majesté sortant tout droit d’un contes de fées. “La Quiete” voilà comment moi je l’aurai baptisée. Saint Luc si tu nous entends. Fantasme de tranquillité absolue, combien de fois l’ai-je parcouru ? Ascension récréative à me blottir en son sein, sous ses arcades, je jouais de ses ombres et de ses lumières furtives, m’animant le matin, ou dès le petit jour, me ravivant la nuit ou le soir en sourdine, dans le brouillard de l’écrin lointain d’une fourmi de ville. Point par point. Année après année, San Luca, tu es ma base idyllique. Basilique je joue de tes articulations. Au creux de tes formes voûtées, je me faufile à travers tes colonnes sculptées et tes escaliers tout colorés. Prendre de la hauteur et se laisser guider sans compter les heures. Trêve de rêverie, vous avez l’option plusieurs chemins pour vous rendre à son sommet. Je vous recommande vivement le sentier de Bregoli depuis la commune de Casalecchio di Reno. Harmonie et communion avec la nature garantie. »

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San Luca (2019, oct), giro di Bologna_

GELATO

« Un spritz ? Un gelato ? Un gelato ? Un spritz ? Choix cornélien. Fare una scelta du verbe “scegliere”, io scelgo. De toute façon, j’ai toujours fait un blocage avec ce verbe italien. Biais cognitif, cogito. “Ergo sum”, bref je suis balance et je signe en premier pour la “merenda”, arrivant tout juste au pied de la gelateria. Classico gusto “bacio”, il mio favorito. “Cioccolato”, “nocciola”, “pistacchio”, dur de choisir parmi ces doux plaisirs. J’épingle en adresse “la Sorbetteria Castiglione,” ou encore la “Cremeria funiviaVia Porrettana ou mieux oui le glacier de San Francesco, un délice, mamma mia ! Délice rêvé de ces flâneries urbaines qui résonnent comme “un air de sorbet” cher aux compositeurs d’opéra. Pour ma part, je compose au fil de la soirée filant désormais vers le ghetto ebraico. Les terrasses fleurissent Via della Moline, Belle Arti, Zamboni ou de la Piazza Verdi. Ça fleure bon les bulles de conversation. 19h, l’heure de l’aperitivo. Temps social de saison, Campari, Aperol, du prosecco en bulles, tu titubes, tu raffoles, option douce pâmoison. Plaisirs sucrés sur ciel d’horizon orangé, la nuit s’installe au coeur de la cité. “Salute” en guise de verre de contact, on s’observe, se rencontre, se rencarde tic tac tic tac. Piazza San Francesco, ou via Pratello, ici les bars font la queue. File d’attente dans la rue, tranquilles sont les gens qui patientent entre eux, in situ. Réappropriation de l’espace public, rite sacré, mélange d’identités, les bars cafés ont le chic de la convivialité. Mes préférés : Camera a Sud, Zoo Café, Marsalino, sans compter “Le serre dei giardini Margherita”, combo livre-gelato coupé pilea et succo di frutta. »

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Gelato (2019, oct), giro di Bologna

SANTO STEFANO

ou le petit village en plein coeur de Ville. Y règne une ambiance singulière, y rayonne une lueur toute particulière. Nous sommes à quelques minutes à pied de la Piazza Maggiore, aucune voiture à l’horizon, juste notre imaginaire qui lui fait des bonds. Marché des antiquaires le second weekend du mois, la place accueille à l’année les touristes en déambulation et les curieux pour contemplation. Place de pavés, chemins contrescarpés, on accueille la beauté de ces “Sette Chiese”. Je ne connais pas bien leur histoire, et pourtant il y en a des choses à voir. Il faudrait un bon guide pour Santo Stefano, car c’est un édifice qui mérite de l’attention. Haute attention. La première intention ou l’origine de sa création, revient elle, à Saint Pétrone, évêque de Bologne et patron de la ville de 431 à 450. On est au 5ème siècle et à priori San Petronio avait pour désir de reproduire les lieux de la Passion du Christ en voulant imiter le Saint-Sépulcre de Jérusalem. Haute ambition. Nous sommes donc ici en présence d’un vaste complexe religieux composé d’abord de 7 puis de 4 églises principales. De l’église Saint-Jean-Baptiste (del Crocifisso), à celles des Saints Vitalis et Agricola, la plus petite (8-11ème siècle), on a aussi l’église de la Sainte-Croix (della Trinità) de ça et là. Imbriquées les unes aux autres, elles cachent en leur sein un magnifique cloître médiéval de deux étages, ainsi qu’une cour, appelée la cour de Pilate. La cour est entourée par deux colonnades romanes avec des colonnes cruciformes en brique. Ça vous laisse de marbre ? “Une splendeur romane” je cite. Une douceur de l’âme, je rajouterai. C’est vrai qu’architecturalement parlant, ce site en vaut la chandelle. J’aime tant passer devant elle, la contempler de longs instants. Elle est là présentement, depuis tant d’années. Tant d’histoires. Paisible. Là, moi je dis respect aux aînés. »

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Santo Stefano (2019, oct), giro di Bologna_

MERCATO

« Plaisirs des yeux, plaisirs en bouche. Plaisir pour soi, à réveiller ce qui nous touche. Au plus profond. Plaisirs de l’âme qui donnent du sens, le marché, haut lieu où s’entament tant de discussions. Je vous emmène ce jour au coeur du Quadrilatero, le mercato le plus côté de Bologne. À deux pas de la Piazza Maggiore, formé par la Via Francesco Rizzoli, la Via Castiglione, la Via Luigi Carlo Farini et la Via dell’Archiginnasio, « Il Quadrilatero » est THE place pour les amateurs de saveurs, les croqueurs de vie, les fins observateurs, les exhausteurs de goût. Charcuteries, légumes, produits terroir, produits locaux, c’est trop, c’est fou. Bain sonore, olfactif, immersif, on y retrouve toute l’ambiance du pays. Bienvenue dans le paradis des tortellinis, du Lambrusco, du Colli Bolognesi, du Grana Padano. Goûtez moi ces poires Cocomerina, cette mela francesca, ces aubergines de Rimini ; regardez voir ces garganelli, ces cappelletti, savourez un soir la cotolette alla bolognese ou le cochon Mora Romagnola. À profusion, pêché mignon, j’avoue craquer pour la Crescentina ou la Tigella (pain originaire des Appennins). Tentation, c’est si bon, je cède aussi à la torta de riso, typique de Bologne, gâteau de riz aux amandes et à la fleur d’oranger. Même si basta la fleur d’oranger per favore. Les marchés ont bonne presse aujourd’hui, et chacun s’empresse d’y aller. Éthique sur fond de défi écologique. La nature, “la seule vraie religion” comme dirait l’essayiste M. Onfray. Moi je me fraye tant bien que mal un passage entre les rayons, les étals, les tables qui nous invitent à déballer notre consommation. La raison, le coeur. La faim. Une fin en soi, se nourrir visuellement, s’investir moralement ? Hédonisme ascétique, l’art du plaisir de la table à portée de main. À portée de tous ? Grand déballage, les bons produits me posent parfois question. Dans cette logique, c’est « Eataly » qui s’en tire elle un bon parti, mère profit. Via degli Orefici, ce concept store pas forcément bon marché vient surfer lui sur cet ode au mieux manger. Sentinelle du goût, on aime à valoriser les bons produits d’élevage. Surenchère. Je me demande parfois à qui profite au fond les lois du marché ? Passons. Proximité, “extimité”, on tisse aussi du lien à tourner en rond dans ce quadrilatère. Contre la malbouffe, on prend une bouffée d’air, le dimanche, de bon matin, ou le soir, en nocturne, en semaine, on y recherche le bien. Le bien manger. S’éveiller les papilles, les consciences. Se donner une bonne image de soi. (S.Tisseron, 2001). Faire du lien. Triangle des rencontres, produits du genre humain. « Ciao » le poissonnier qu’on aime bien, « ciao » le marchand avec qui tu partages les rumeurs du coin. Communauté et lieux communs. Moi, je m’éloigne tout doucement, mon panier à la main. L’essentiel est invisible pour les yeux comme ils disent d’façon. Je rentre à pied par mon chemin préféré avec la nature pour paysage de fond. Slow mood, « slow food » (saviez-vous que c’était l’italien Carlo Petrini qui avait inventé le concept en 1989?). J’ai faim et je compte bien en profiter. Bologne la gastronome, à ne pas oublier. PS : Mes autres petits mercati favoris : il mercato delle Erbe, il Mercato della Terra à la Cineteca di Bologna le samedi matin ! »

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Mercato (2019, oct), giro di Bologna_

MODA

De facto, je suis en retard dans ma collection ; perso, le temps m’a devancé pour de multiples raisons. Pour memo, je me dis que le retard peut jouer comme de l’avance, d’une certaine façon. Chi lo sa ? Le temps se passe de mode, se perd, se reprend, éternel cycle, du futur au présent, c’est imparfait. Conjugaison de la projection, à quand le bon moment. Si on savait. Suivre la tendance et habiller son feed Instagram, en voilà d’un passe temps, d’un beau programme. “Inktober”, “Boloctober” le défi du mois dans les modalités, un vrai challenge pour moi qui aime me défiler. Créer n’est pas toujours aisé, il y a toujours un temps pour s’en accommoder. Variations de temps, variations de style. L’inspiration au fil du vent ; recherche de style – respiration. On s’inspire de l’autre, on expire pour soi. Influencée. Influenceur. Infuser ou laisser l’influence fuser. Oui car quand ça fuse, ça donne différents jets ; différents styles, les 6 dernières vignettes en sont bien le reflet. Se rendre unique avec son style, son trait, son coup de crayon. Mais comment donc se singularise t-on ? Telle est souvent ma question. Modération. Le plaisir est là, c’est surtout ça. On se réinvente chaque jour. Cahier de croquis, carnet de souvenirs. Bologne, un modèle à illustrer. Mise à jour, sous toutes les coutures, j’avais envie de le partager. Élégance et style font la réputation du pays. Bologne est à la mode. En tout cas, elle est, de plus en plus regardée. Dans sa mode, le vintage est chic, et ses habitants moi je les trouve élégants. Question de style. Le mien, je l’ai trouvé dans les friperies. Il y en a en série. Passé, présent, futur. Cahier de défilés. « L’élégance est la seule beauté qui ne se fane jamais. » Audrey Hepburn. Et moi j’aurai bien du mal à me passer en vrai de ce « belpaese« .

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Moda (2019, oct), giro di Bologna_

Les écrits que vous venez de lire ou d’écouter datent de 2019, intacts je les ai laissés en l’état de la date où je les ai publiés sur Insta, à savoir au mois d’octobre 2019.  Depuis, j’ai eu le temps de revoir ma copie pour certains, pour d’autres, j’ai pu développer un autre angle de vue ; enfin, entre temps j’ai aussi appris que les Portici étaient désormais inscrits sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité en 2021 🙂    

Depuis sinon, ou plutôt récemment, en septembre 2024, j’ai découvert une nouvelle ville et une région d’Italie qui m’était encore inconnue : la Sicile et plus précisément Palerme, j’y suis restée une semaine, c’était un séjour complément improvisé qui répondait à un élan de vie qui lui m’a finalement beaucoup appris. Une autre Italie. Un autre aspect d’elle. Un autre aspect de moi à apprivoiser. C’était beau, trop court, intense, revitalisant, c’était des totally vacances. En extrait sonore, quelques captations en direct du port ou de l’auberge de jeunesse dans laquelle je séjournais. En images, vous avez l’article pour lequel j’y consacrerai un temps prochainement et puis sinon voici quelques extraits ici à retrouver sur mon compte Instagram. 

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Palerme, captation à l’auberge où je séjourne, août 2024